Le nouveau DPE : qu’est-ce qui change ?
Futur locataire ou futur acheteur d’un bien, vous connaissez obligatoirement le diagnostic de performance énergétique (DPE) avec ses étiquettes de A à G. Elles sont même essentielles pour savoir quelle sera la consommation d’énergie de votre logement et avoir une idée de vos prochaines factures de chauffage. Car le propriétaire, bailleur ou vendeur, a l’obligation de le fournir. À compter du 1er juillet 2021, le DPE fait sa révolution : une méthode de calcul unique pour tous les biens, des conseils en rénovation énergétique pour les propriétaires… Désormais plus fiable, ce document de référence en immobilier devient même juridiquement opposable aux diagnostiqueurs et propriétaires. L’esprit de la loi Elan (1), à l’origine de cette réforme, répond à un objectif : favoriser les logements économes, répondre au défi climatique en réduisant la consommation d’énergie des bâtiments et en limitant les émissions de gaz à effet de serre. Découvrons comment ce nouveau DPE va impacter les ventes, locations à venir… et la vie des propriétaires.
1. Les “couacs” du DPE avant juillet 2021
Si vous avez déjà jeté un œil sur les annonces immobilières, vous savez que chacune présente normalement deux « étiquettes énergie » avec la classe énergie du logement. Et quelquefois, on peut voir apparaître la mention “DPE vierge” cela concernerait jusqu’à 20% des cas selon le ministère de la Transition écologique. La raison ? Pour les logements avant 1948 et certains appartements avec chauffage collectif, la méthodologie de calcul des diagnostiqueurs s’appuyait sur l’analyse des factures d’énergie du logement. Autant dire qu’il s’agissait alors d’un indicateur peu fiable puisque lié aux habitudes des occupants, à l’occupation du logement…
Le saviez-vous ?
Si le vendeur du logement vit seul avec une température intérieure de 18° l’hiver, sa facture d’énergie est faible. En s’appuyant sur la classe énergie annoncée, l’acheteur ou le locataire risque d’avoir une mauvaise surprise à la fin du premier hiver s’il est plutôt adepte du short avec une température moyenne à 21° et si le logement a 4 occupants !
Pour les autres logements, les diagnostiqueurs utilisaient une méthode plus classique prenant en compte les caractéristiques du bien.
- Un moteur de calcul plus complet pour tous les logements
La méthode “sur factures” est définitivement supprimée, au 30 juin 2021, au profit d’une méthode de calcul unique pour tous les logements. Sont pris en compte : le bâti, l’isolation, l’orientation, le type de fenêtres et le système de chauffage. On ajoute de nouveaux paramètres comme les consommations annuelles en matière d’éclairage et d’auxiliaires (climatisation, VMC…), la localisation du bien et les possibles incidences météorologiques sur le bâti ou encore la prise en compte d’équipements récents.
Le saviez-vous ?
10 millions de logements possèdent aujourd’hui un DPE, soit un tiers du parc de logements. (2)
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2. Un DPE plus lisible et didactique
Le DPE était, jusqu’à présent, vécu comme une contrainte par les propriétaires et pas vraiment utilisé par les locataires ou acheteurs. Pour que chacun puisse s’approprier ce document, il est aujourd’hui “relooké”.
Sur la première page, on retrouve l’étiquette de performance énergétique et, en complément, l’étiquette climat détaillant les émissions de gaz à effet de serre. Concrètement la note globale sera tirée vers le bas par la performance la moins bonne. Mais il n’y aura qu’une seule note, toujours comprise entre A et G. Une estimation du montant moyen des factures énergétiques du logement complète l’information du futur locataire ou acheteur.
Le saviez-vous ?
Les logements utilisant le fioul ou le gaz sont pénalisés par rapport à l’emploi du bois ou de l’électricité. Selon le ministère du Logement, 40 % des biens pourraient changer de classe énergétique suite à cette réforme, en général d’une classe (de F à G ou de F à E).
À partir du 1er janvier 2022, toutes ces informations devront figurer sur les annonces immobilières. Les agents immobiliers sont en première ligne sur le sujet.
Ce DPE comprend une petite trentaine de pages, quand même ! Il comporte un volet recommandations du bon usage du logement pour locataires et acheteurs avec des informations sur le confort d’été, la qualité de ventilation et de l’isolation et la répartition des déperditions thermiques.
Il propose des travaux de rénovation énergétique et précise leur coût suivant leur importance : travaux jugés prioritaires et ceux permettant d’améliorer encore la performance énergétique du bien. Dans ce second scénario, le montant des travaux est plus élevé.
Des données importantes pour le propriétaire… mais aussi pour l’acheteur au moment de la négociation.
Le saviez-vous ?
Le propriétaire n’est pas obligé de faire les travaux indiqués dans le DPE pour vendre ou louer.
Savez-vous que les bâtiments sont responsables en France de 44 % (2) de la consommation totale d’énergie ? Et les accords internationaux prévoient que tous les logements seront classés A ou B en 2050. Or actuellement, le parc habitation est majoritairement classé D. Le chemin pour y arriver passe nécessairement par un état des lieux, le DPE, avant des travaux de rénovation.
L’œil de l’expert
Les DPE réalisés jusqu’au 31/12/2017 sont valables jusqu’au 31/12/2022. Ceux établis entre le 1/1/2018 et le 30/6/2021 restent valides jusqu’au 31/12/2024.
3. Un DPE opposable… au propriétaire
Jusqu’en juillet 2021 les propriétaires de biens étaient « tranquilles » lorsqu’il y avait un problème avec un diagnostic erroné. Seul le diagnostiqueur pouvait être mis en cause au titre de sa responsabilité professionnelle… sauf si le vendeur avait agi frauduleusement. Et l’indemnisation était limitée à la “perte de chance” pour l’acheteur de n’avoir pas pu bien négocier le prix de son logement en raison de l’erreur du DPE.
Aujourd’hui un propriétaire ne peut plus dire “ce n’est pas de ma faute”. On est passé du DPE informatif au DPE juridiquement opposable.
“Un vendeur ou un bailleur est désormais responsable solidairement avec le diagnostiqueur du diagnostic réalisé et on peut agir contre les deux” explique Maître Corinne Frappin, avocate en droit immobilier à Paris.
Sur quel fondement ? “La garantie des vices cachés, la responsabilité du professionnel afin d’obtenir :
- une indemnisation du préjudice subi : la différence de consommation entre le DPE et la réalité,
- + le coût des travaux afin d’atteindre la performance énergétique annoncée. Dans ce cas il faudra chiffrer les travaux.
On peut également envisager de demander une annulation du bail ou de la vente (art. 1642 du Code civil). Tout dépend de la volonté du client, son souhait de rester ou non dans son logement.
En fait engager une action pour demander une indemnisation et faire réaliser des travaux est une longue procédure. L’acheteur ou le locataire peut préférer demander la nullité de la vente ou du bail.”
Le saviez-vous ?
Cette opposabilité augmente le risque pour les diagnostiqueurs. Il est possible d’imaginer que leur assurance responsabilité soit également à la hausse… d’où une progression probable du coût des DPE à venir. À suivre !
Les passoires thermiques, au banc des accusés !
La réforme du DPE est la face apparente de la lutte des pouvoirs publics contre les 4,8 millions de passoires thermiques identifiées, soit 17 % des logements (3). Depuis le 1er janvier 2021, un bailleur ne peut plus augmenter le loyer entre deux locataires dans les zones dites « tendues » (28 agglomérations) si l’étiquette énergie DPE est F ou G (Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, Décret n°2020-1818 du 30 décembre 2020). Au 1er janvier 2022 les annonces devront préciser « logement à consommation énergétique excessive » pour les étiquettes F et G. Au 1er janvier 2025, les logements G ne pourront plus être mis en location et au 1er janvier 2028 ce sera le tour des biens classés F (4).
Engager des travaux d’isolation pour réduire la facture d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre d’un logement représente un coût certain. Voilà pourquoi les pouvoirs publics ont mis en place de nombreuses aides via Ma Prime Rénov qui permet de financer jusqu’à 80 % d’un projet. Au-delà de cet investissement, le propriétaire n’a pas, à moyen et long terme, le choix. En effet, à moins de rénover son logement, il pourrait être pénalisé : interdiction de louer, refus de locataires d’entrer dans un logement énergivore, moindre estimation de la valeur du bien, négociations plus tendues avec les acquéreurs et baisse de prix. Aujourd’hui le marché immobilier est plutôt favorable pour les vendeurs. Demain, personne ne sait quelle sera la situation. Une seule certitude : si la demande immobilière retombe, la concurrence pour vendre un logement sera plus dure. Et le DPE pourrait devenir un critère de sélection majeur. N’oublions pas qu’entretenir et rénover participe à la valorisation d’un bien !